Le 6 janvier. Une date gravée dans mon histoire, mon cœur, et mes souvenirs. Chaque année, ce jour revient comme une vague douce et salée, pleine d’émotions complexes. Aujourd'hui, c’est mon anniversaire, mais depuis mes 28 ans, cette journée a changé de couleur. Elle n’est plus tout à fait la même depuis que maman est partie. Son absence plane comme une ombre, subtile mais omniprésente. Malgré mes efforts pour célébrer, pour sourire et profiter, cette date est devenue un mélange d’amour et de douleur. Une journée qui, avec le temps, a fini par ressembler à toutes les autres. Peut-être parce qu’il est plus facile de ne pas s’y attarder, de ne pas creuser trop profondément.
Et pourtant, chaque 6 janvier, les souvenirs affluent. Je me revois enfant, à Sète, cette ville lumineuse où la mer semble murmurer des secrets aux cœurs qui veulent bien écouter. Je suis née un mercredi, en 1993, aux alentours de 8 h 30. Il faisait froid dehors, mais à l’intérieur, le cœur de ma mère débordait de chaleur. Elle m’a souvent raconté ce moment, avec ce mélange de tendresse et de fierté dans les yeux. *« Tu es mon miracle du matin »,* disait-elle. Elle a toujours été fière de moi, de qui j’étais, de mes choix, même les plus difficiles. Son amour était une ancre, une lumière qui m’a guidée dans mes nuits les plus sombres.
Le 6 janvier est aussi une date spéciale pour d’autres raisons. C’est le jour de l’Épiphanie, une fête qui porte une signification particulière pour moi. Mes racines catalanes et espagnoles ajoutent une couche de magie à cette journée. En Espagne, cette fête est immense, presque plus importante que Noël. C’est le *Día de los Reyes Magos*, le jour des Rois Mages. La veille, les enfants attendent avec impatience les cadeaux que Melchior, Gaspard et Balthazar leur apporteront. Les rues s’animent avec des défilés, des musiques, et des lumières. Les familles se rassemblent pour partager la *Roscón de Reyes*, cette couronne briochée aux fruits confits qui cache une fève et une figurine. Celui qui trouve la fève porte une couronne de papier doré, devenant symboliquement le roi ou la reine de la journée.
Dans mon cœur, cette fête est un rappel d’où je viens, de cette part de moi qui vibre au rythme des traditions espagnoles. Enfant, ma mère m’en parlait souvent, me transmettant cet héritage comme un trésor précieux. Mais en grandissant, ce lien s’est distendu, un peu comme un fil qu’on aurait oublié de nouer. Pourtant, chaque année, à l’Épiphanie, je ressens une connexion inexplicable avec mes origines, un appel à me souvenir de mes racines.
Aujourd’hui, à 32 ans, je prends le temps de me retourner sur mon parcours. Trente-deux ans, c’est à la fois peu et beaucoup. Chaque ride sur mon visage, chaque cicatrice sur mon cœur raconte une histoire. Je pense souvent à ma mère et à tout ce qu’elle m’a donné. Elle était fière de moi, toujours, même quand je doutais de moi-même. Mais mon père, lui, a toujours été absent. C’est une douleur que je porte en silence, comme une note dissonante dans une mélodie autrement harmonieuse.
Quand il a fallu faire des choix pour ma carrière, mon avenir, il a préféré fuir. Peut-être que je lui en veux encore. Peut-être que je ne le veux plus. Mais son absence a laissé des marques profondes. Cela a façonné ma peur d’avoir des enfants, une peur viscérale de reproduire ses erreurs, de transmettre les blessures que j’ai reçues. Alors, je m’abstiens, par prudence, par crainte de mal faire. Pourtant, au fond de moi, une voix murmure que je ne suis pas lui, que je suis capable d’être différent.
Cette année, je me rapproche d’un âge clé : 33 ans. C’est un chiffre qui résonne en moi, chargé de symboles. Je crois aux signes, aux messages cachés dans les coïncidences de la vie. Et parfois, je me dis qu’il pourrait ne me rester qu’un an, que tout est fragile, éphémère. Cette pensée, bien que sombre, m’incite à vivre avec plus d’intensité, à savourer chaque instant comme un cadeau. Après tout, chaque année est une page blanche, une opportunité de réinventer son histoire.
Aujourd’hui, je décide de célébrer. Peut-être pas avec une fête bruyante et des ballons, mais avec un moment de gratitude. Je remercie ma mère pour tout ce qu’elle m’a offert, je remercie mes racines catalanes et espagnoles qui m’ont donné une identité unique, et je me remercie moi-même pour ma résilience. Ce 6 janvier, je choisis de regarder en avant, de croire en un avenir où je peux être en paix avec mon passé.
Comme les Rois Mages qui suivaient une étoile, je veux croire qu’une lumière me guide, même dans les moments d’incertitude. Après tout, ma mère me l’a toujours dit : *« Tu es plus fort·e que tu ne le crois. »* Alors, aujourd’hui, en ce jour des Rois, je choisis de la croire.
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